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Le mode projet : remède ou cause des tensions dans les organisations ?

Deux interventions que je mène actuellement, dans deux entreprises totalement différentes, m’amènent à m’interroger sur les bienfaits du travail en mode projet.

En préalable, à titre personnel il faut savoir que lorsque j’ai commencé ce métier il y a 7 ans, je ne comprenais absolument pas de quoi il retournait… En faculté de psychologie sociale, on aborde le projet du point de vue humain, social, mais quant à parler du management de projet en entreprise, il y a un gouffre.

Or une fois que l’on travaille dans le conseil aux entreprises, en particulier sur l’accompagnement du changement, on comprend vite que c’est un thème central et qu’il est donc utile de le maîtriser ! 

Au fil de mes interventions, j’ai peu à peu compris deux ou trois choses, sur les intérêts et les risques du travail en mode projet.

Les atouts du travail en mode projet

Le mode projet est à la mode 

Beaucoup d’entreprises ne peuvent fonctionner sans une organisation matricielle, c’est-à-dire qui croise une organisation hiérarchique et une organisation qui suit les projets : dans l’aéronautique par exemple, une organisation uniquement hiérarchique ne ferait jamais sortir un avion. Il faut que des gens de différents métiers et aux domaines de compétences différents, donc appartenant à différents services / directions, travaillent ensemble pour fabriquer des bouts d’avion et les assembler.

Certaines organisations qui à priori pourraient s’en passer, par ex. une administration avec des services bien distincts ont compris l’intérêt qu’il y a à fédérer les services autour de projets communs.

Enfin les entreprises qui veulent se moderniser ne peuvent en faire l’économie : pour améliorer le service aux clients, assurer la transition numérique, impossible de ne pas lancer des projets.

Le mode projet : la réponse à tous les problèmes ?

Dans des entreprises ou les collaborateurs ne prennent pas le temps de travailler ensemble si ce n’est pas rendu obligatoire, où les collectifs se délitent, où le manque d’objectifs et de méthodes partagés fait courir un risque sur les personnes et la performance

Alors oui, le mode projet peut être une réponse :

-          Il permet de faire travailler les gens ensemble,

-          Il oblige à avancer selon un calendrier, avec un début, une fin, et avec une méthodologie,

-          Il oblige chacun à lâcher un peu de son pouvoir pour le partager avec d’autres.

Les risques inhérents au mode projet

Le manque de visibilité de la charge de travail 

Le principal risque avec ce mode d’organisation, c’est l’empilement des projets sur une personne, un service.

Bien souvent la seule personne à avoir la visibilité des projets est la personne concernée : autrement dit, que ce soit le manager de proximité, ou la direction à un niveau plus élevé, la vision de l’ensemble des projets et surtout de leurs impacts en termes de charge de travail sur un salarié ou un service, est un concept totalement abstrait.

J’ai du mal à m’expliquer cet état de fait : comment en 2018 est-il encore possible de ne pas avoir d’outil qui permette d’avoir cette vision partagée entre les acteurs de l’entreprise ? Comment ne pas en faire un sujet organisationnel central pour assurer le bon fonctionnement de l’organisation ?

Les impondérables de la gestion de projet

Beaucoup de livres ont été écrits sur ce sujet, je vais me contenter d'un bref retour d’expérience :

  •  Ce qui peut faire capoter un projet :
    • Le manque d’objectifs et de méthodes partagés. Pour éviter cela, il faut travailler à l’appropriation d’un référentiel commun, via par exemple de la formation à la gestion de projets.
    • Un projet qui ne prend pas en compte la capacité réelle des acteurs qui doivent participer au projet. Par exemple, un groupe projet confie un certain nombre d’actions à différents services… sans s’assurer que lesdits services auront bien les moyens au fil de l’eau d’accomplir les différentes tâches qui leur ont été confiées.
  • Ce qui fait qu’un projet peut être dangereux pour l’entreprise, en termes de performance et d’impact humain :
    • Un projet qui se met en place « hors sol ». Par exemple, la mise en place d’un nouveau Système d’Information, ou ERP (Enterprise Resource Planning, ou Progiciel de Gestion Intégré), autrement dit quelque chose de très dimensionnant, qui ne va pas suffisamment faire un état des lieux de l’existant, et/ou évaluer les impacts de la mise en place du nouveau système sur les situations de travail et donc les individus.
  • Ce qui fait qu’un projet peut être dangereux pour les contributeurs du projet :
    • Très souvent un projet est très motivant pour les gens qui y participent. Cela peut générer des phénomènes de sur engagement : les gens s’impliquent beaucoup, avec un grand plaisir … parfois jusqu’à l’épuisement professionnel.

Autrement dit, pour que le mode projet fonctionne, il faut des acteurs outillés, un système de régulation de la charge de travail, un lien très fort entre les acteurs du projet et les opérationnels qui en sont la cible … bref, une prise en compte du travail réel !

Bibliographie

Bellut, S. (2018). Le grand guide du management de projet. Afnor editions.

Aïm, R. (2018). La gestion de projet – Mémentos LMD. Gualino éditeur.