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Managers : comment travailler avec des personnalités difficiles

Beaucoup d'articles et d'ouvrages sont intitulés « comment gérer les personnalités difficiles au travail »?

Outre le fait que la formulation est incorrecte, on gère un budget, on peut aussi gérer des ressources humaines ... mais on ne gère pas des personnalités ! Nous avons des caractères, des personnalités plus ou moins conciliantes, avec un goût plus ou moins prononcé pour le travail en équipe, nous avons tous nos buts propres. Et dans le travail, nous croisons parfois des personnes avec qui nous trouvons difficile de travailler, d’échanger, bien sûr.

Toutefois, les tensions importantes autour de personnes que nous estimons "difficiles" apparaissent dans des contextes sociaux particuliers.

Les "crises individuelles" apparaissent en réalité dans des situations de tensions collectives

Des tensions collectives au passage à l'acte

Au cours de mon expérience *, j’ai rencontré de nombreuses équipes au sein desquelles des personnes à « personnalité difficile » ou à « caractère fort » étaient ciblées comme étant la cause de problèmes. Or, après analyse du contexte, de l’organisation, du fonctionnement de l’équipe, les dérives (bien réelles) de ces personnes se sont toutes avérées être la partie émergée et visible de problématiques qui touchaient toute l'équipe.

Les situations les plus révélatrices pour lesquelles je suis intervenue avec des collègues étaient des situations de crise, suite à des manifestations de violence envers elles-mêmes de ces personnes qualifiées de « difficiles à gérer ». Dans deux contextes très différents et concernant deux personnes aux métiers et aux statuts totalement à l'opposé j'ai pu observer un déroulement des événements quasi similaire  :

- un contexte difficile pour l'ensemble de l'équipe, avec une augmentation de la charge de travail, des changements dans l'activité, l'organisation du travail  ...

- des relations qui se tendent au sein du collectif, des clans ...

- la relation de la personne vis-à-vis de ses collègues devient de plus en plus difficile (violence verbale, ou manifestations d'angoisse -pleurs ...-), 

- la situation n'est pas suffisamment repérée par la hiérarchie et n'est donc pas traitée ;

- la personne commet un acte de violence vis-à-vis d'elle-même. 

Les déterminants organisationnels de la situation de crise

Les analyses que nous avons menées ont toujours mis en évidence un certain nombre de caractéristiques contextuelles qui avaient contribué à l’émergence du passage à l’acte, et qui en réalité avaient des effets néfastes pour l’ensemble du collectif : un manque de règles définies et partagées, un management insuffisamment présent et outillé, un manque de régulation interne de la charge  de travail … Or la seule solution envisagée était bien souvent d’écarter la personne du collectif.

Néanmoins lorsque nous intervenions, la relation entre la personne et le collectif était effectivement « cassée », d’une part, car le passage à l’acte avait dans les représentations de l'entourage (autres services, équipes) rendu cette équipe comme « responsable » de l’acte, et d’autre part des tensions s’étaient développées entre la personne et le collectif avant même le passage à l’acte. Aussi l’éloignement de la personne faisait effectivement partie des actions à mettre en oeuvre, mais cela ne devait surtout pas être la seule, il fallait revenir sur ce contexte et comprendre ce qui avait contribué à l’émergence de cet événement… au delà de facteurs de personnalité qui n’ont pas vocation à être « gérés » dans le milieu professionnel !

A noter que le collectif lui-même, loin de cibler uniquement la personne « difficile » était très demandeur de cette analyse, et de changements d’organisation, de fonctionnement, de mode de management, montrant par là même la justesse de ce type d’analyse globale et systémique.

Quelques pistes d'actions pour prévenir et gérer des situations de crises "individuelles"

Je vous propose quelques pistes d’actions et de réflexion pour « gérer » et surtout traiter des situations autour d'une personne "problématique", de comportements inadaptés dans les équipes de travail. Ces pistes sont très générales, et nécessitent d’être adaptées à chaque contexte :

  1. Soyez attentifs aux premiers signaux d’alerte : plaintes du collectif, isolement de la personne, agressivité
  2. Recevez la personne en entretien individuel et abordez tous les aspects de sa situation de travail : comment les choses se passent pour elle dans son travail et dans ses relations avec ses collègues ? A-t-elle des besoins spécifiques sur lesquels vous pourriez lui apporter du support ?… Cependant à cette phase la personne elle-même peut être dans le déni des problèmes, c’est pourquoi il est important de ne pas s’arrêter là.
  3. Recevez 2 ou 3 collègues proches en entretien collectif pour les interroger sur leurs interactions avec cette personne, surtout en recentrant les échanges sur des situations concrètes de travail et pas seulement sur des généralités concernant les « excès » de la personne.
  4. Traitez les problématiques de travail remontées par la personne et le collectif.
  5. Si les débordements de la personne se poursuivent et que vous ne voyez pas d’autres solutions, faites appel à des ressources externes : avis et conseils de votre hiérarchie, de collègues, des ressources humaines, de la médecine du travail… La « bonne » personne-ressource sera celle qui vous aidera à trouver des solutions, et non celle qui passera tout de suite sur des propositions de sanctions.

En conclusion, plutôt que de considérer ces personnes comme des problèmes, voyez-les plutôt comme des baromètres de votre équipe ! 

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