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Rencontre du droit et de la psychologie du travail 1/2

J’ai accueilli Valérie Couret-Bares en stage avec moi et ai souhaité recueillir son point de vue sur les organisations qu’elle a pu observer et sur mon métier de consultante.

Ce qui t’a marquée dans les entreprises / organisations

La première chose, c’est que ce n’est pas un évènement qui met une équipe en souffrance, mais de petites choses qui arrivent au fil du temps, sans remédiation, qui font qu’on arrive à cela. On le lit, mais c’est vraiment la réalité que j’ai observée : dans l’équipe A avec qui tu as travaillé, on voit qu’ils se sont laissé dépasser tranquillement plus ou moins consciemment, par différents évènements. Ce n’est pas un seul évènement qui fait qu’il y a un clash.

On s’en rend compte dans l’intervention une fois que l’intervenant a fait sauter le vernis. Cette équipe A, au début ils arrivent « Bonjour, on a été choqué par un clash qui s’est produit dans l’équipe » et une fois qu’on va plus loin, on se rend compte qu’il y a beaucoup d’autres choses dans le fonctionnement quotidien qui ont mené à cet évènement ; le manager pas tourné vers le collectif, une direction un peu affective, des difficultés à droite à gauche …

Avec l’équipe B, la demande paraissait plus claire, mais il y avait en réalité des choses à aller chercher, je me rappelle notamment d’une personne qui semblait à cran. Dans le contexte il était question du COVID, et des tensions que cela avait amené ; mais en réalité ce n’est pas le covid qui fait que ça ne va pas. C’était déjà le cas avant, il y avait eu des signaux, pas entendus, et d’un coup ça sombre.

Un médecin du travail m’avait dit que le COVID a été un révélateur des entreprises qui ont perdu leur collectif, ou au contraire l’ont resserré. Je l’ai vraiment compris dans ces ateliers.

La deuxième chose qui m’a marquée, c’est la nécessité de prendre autant de temps pour les mettre en confiance, en entretien individuel ou en atelier. Par exemple, tu expliquais le cadre de l’atelier, les objectifs, la confidentialité, j’étais étonnée du travail nécessaire pour avoir leur confiance. Dans le service B, au 1er atelier elles étaient sur la réserve, et au fur et à mesure des ateliers elles se sentaient plus à l’aise pour parler.

Enfin j’ai relevé un point très positif : ces équipes et leur encadrement veulent s’en sortir, ils et elles sont au travail, les gens se sentent concernés. Par exemple lors de la restitution en Comité de Pilotage, autour de la table, chacun a conscience qu’il faut faire quelque chose, prendre le plan d’actions en main … Je ne m’y attendais pas. Ils auraient pu prendre le travail du consultant, s’acheter une bonne conscience, et ne rien faire derrière, je m’attendais plutôt à ça !

Je pensais même que tu n’aurais pas l’attention des gens, qu’ils n’écoutent même pas la restitution. J’ai déjà fait ce constat : dès qu’il est question de RPS, souvent, les gens font l’autruche, minimisent… Le sujet n’est pas un sujet jusqu’à ce qu’il devienne une obligation (demande de la médecine du travail, long arrêt de travail). Comme ce n’est pas palpable, on ne s’en occupe pas, alors qu’intégrer de la prévention avec des actions concrètes ça éviterait bien des difficultés par la suite.  En contentieux on peut voir des choses sidérantes : des employeurs pas du tout concernés, un effet « patate chaude » sur les services RH, pas d’action réelle et l’issue inévitable du litige. Sans compter le retentissement négatif sur les équipes et en termes d’image.

Ce qui t’a marquée dans ma posture, mon travail de consultante

En premier lieu, c’est l’immense diversité, à laquelle je ne m’attendais pas du tout :

-        Des acteurs très différents : un salarié, un COPIL avec 10 personnes, un CSE

-        Des situations très différentes : être sur le terrain, en entretien, en réunion, au bureau …

-        La diversité des cadres d’intervention : une collectivité, un CSE d’une entreprise …

-        La diversité des tâches, c’est le grand écart ! Par exemple :

  • Analyse individuelle d’un entretien
  • Analyse d’un atelier collectif
  • Analyse pour un COPIL, c’est encore autre chose : synthétiser des données, mettre des mots clés …
  • Analyse des réponses à un questionnaire

-        La diversité des supports : écouter quelqu’un, analyser un tableau Excel, écrire un PPT…

Les gens ne savent pas qu’un psychologue travaille sur tout ça !

En second lieu, c’est tout le travail que vous faites avec Sylvie pour comprendre le travail réel : c’est stupéfiant ! à la fin de l’intervention vous parlez avec les mêmes acronymes, vous vous apprivoisez les tâches des personnes, et surtout vous catégorisez tout ça entre contraintes et ressources … C’est très approfondi. Tout ce travail de présentation du modèle des contraintes ressources*, cela modélisait le quotidien du travail des gens … un coach ne fait pas ça, et je pense que parfois vous devez mieux connaitre le travail des gens que leur propre manager ! Je ne pensais pas que le niveau d'approfondissement était aussi important.

Prochain article : similitudes et écarts entre la posture du juriste en entreprise et celle de psychologue du travail

*Modèle C2R ANACT