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Révéler un handicap invisible : une nécessité ?

Environ 80 % des personnes en situation de handicap ont un handicap invisible ! cela nécessite de penser le handicap, les modalités d’insertion et d’intégration en prenant en compte cette réalité : personne ne devinera ce que vous avez… si vous ne le dites pas.

L’article précédent rédigé par Valérie Couret abordait la question des cercles de communication : quoi communiquer ? À  qui ? Comment ?

Je vais répondre à cette question au travers d’une intervention menée récemment auprès d’une salariée ayant un handicap psychique.

La demande d’une salariée en situation de handicap invisible

Cette salariée est intégrée dans l’équipe depuis quelques années. Elle souffre de troubles psychiques liés à une grande difficulté à réguler ses émotions et son anxiété sociale depuis des années, entrainant des difficultés dans les différents emplois qu’elle a occupés. Cela se manifeste par exemple par de l’agressivité vis-à-vis des collègues.

Un diagnostic est en train d’être posé par son médecin, sur la pathologie dont elle souffre. Elle a pu obtenir la Reconnaissance en Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) récemment.

Au regard des difficultés qu’elle rencontre en particulier dans les relations avec ses collègues, et de leur incompréhension vis-à-vis de certains aménagements de poste dont elle bénéficie (télétravail, dispense de permanence face au public), elle ressent le besoin de communiquer sur sa pathologie et l’exprime à son employeur, qui me contacte.

Ma démarche d’appui à la communication sur le handicap invisible

Un premier rendez-vous avec l’employeur et la salariée permet de préciser les objectifs de l’intervention : il s’agit de préparer une communication qui sera faite lors d’une réunion d’équipe, et durant laquelle la salariée explicitera ses troubles psychiques. Je propose de compléter cette description par des pistes d’actions, afin d’aider les collègues à trouver des modes de relation et de fonctionnement adaptés pour travailler de façon apaisée et efficace avec la salariée.

Je réalise ensuite 3 rendez-vous avec la salariée dans son entreprise à Toulouse. Nous abordons d’abord ses difficultés au sens large : comment la pathologie se répercute sur ses relations, son humeur. Puis nous rentrons dans le détail des situations de travail dans lesquelles elles se manifestent, suivant en cela la démarche ergonomique d’analyse de l’activité. Enfin, pour chaque situation, je l’amène à exprimer ses besoins, vis-à-vis de ses collègues.

Nous rédigeons ensuite ensemble le texte qu’elle lira à ses collègues après ce l’être approprié. Nous le répétons ensemble, puis lors d’une pré-réunion avec ses deux managers elle leur déroule ce contenu. Cela permet d’une part à l’encadrement de savoir en amont de la réunion à l’équipe ce qui va se dire, et à la salariée de se « préparer ».

J’ajoute ici que l’encadrement a été très soutenant pour que cette démarche ait lieu, puis se passe dans les meilleures conditions pour la salariée.

Atouts d’une démarche ergonomique dans le cas d’un handicap invisible

Par définition, le handicap invisible ne se voit pas. Le premier atout de la démarche ergonomique, en s’appuyant sur des situations concrètes de travail (telle réunion, telles interactions avec les collègues sur tel sujet…) permet de le rendre concret et visible. Cela donne à voir et surtout à comprendre aux collègues ce que jusque-là, ils ont pu observer sans vraiment comprendre, donc en étant dans une attitude parfois défavorable vis-à-vis d’une salariée « privilégiée » et avec des réactions déstabilisantes dans les relations professionnelles.

Le second atout, est de pouvoir analyser de quoi dépend le fait que cela se passe bien, ou pas, pour la salariée : qu’est-ce qui fait qu’à ce moment vous sentez que vous réagissez mal ? dans quelles conditions vous sentiriez-vous mieux ? … sont quelques exemples des questions que je pose pour amener la salariée à dérouler son vécu par rapport à des situations problématiques pour elle.

Cela permet donc aisément d’aller ensuite vers la transformation des situations de travail : en donnant aux collègues des leviers pour que les interactions se passent au mieux, nous passons ainsi de quelque chose d’invisible et qui pose problème, à quelque chose de concret et qui permet d’aller vers le mieux … de toute l’équipe.

Traiter une situation individuelle : un atout pour le collectif

Beaucoup des pistes d’actions proposées, dans ce cas et dans bien d’autres, seraient bénéfiques à tout salarié.

Dans le cas de cette intervention, il a été par exemple demandé aux collègues de communiquer davantage sur les changements afin que la salariée puisse mieux se les approprier, de préparer en amont ses remplacements, de aire au retour de congé un petit debrief sur ce qui s’est passé… Rien d’exceptionnel, et surtout autant de choses qui permettraient à chacun de travailler davantage dans la sérénité.

Par ailleurs, lors de la réunion d’équipe, le soutien exprimé par l’ensemble de l’équipe a été réel. Or, cette équipe a pu traverser des tensions, mais cette situation leur permet de se retrouver autour d’un sujet et d’une dynamique commune : être à l’écoute, comprendre, et faire évoluer ses modes de fonctionnement… une vraie démarche collective pour améliorer la santé au travail !

Ce que cela a apporté à la salariée en situation de handicap invisible

La salariée, demandeuse de l’intervention, s’est très largement impliquée et investie dans la démarche. Comprenant rapidement ce qu’il faudrait développer, ou au contraire ce qui n’était pas nécessaire à communiquer, sa contribution a été une des clés de la réussite de cette intervention. Il se trouve que par ailleurs une des caractéristiques de son trouble est qu’elle va rapidement à l’essentiel, ce qui a été une vraie ressource pour préparer cette communication.

Son retour sur l’intervention a été très positif : « Je tenais à vous remercier pour tous vos conseils, pour votre soutien, mais surtout pour m’avoir aidée à reprendre confiance en moi et en mes capacités à communiquer. Je suis soulagée d’avoir pu m’exprimer ainsi devant toute l’équipe, et je suis très optimiste par rapport à mon avenir à ce poste. J’ai eu plusieurs retours concernant cette intervention, et mes collègues m’ont toutes témoigné leur soutien sans exception. Je vois maintenant les choses avec plus de sérénité, et je m’efforcerai de communiquer dès que je rencontrerai des difficultés (même si ce n’est pas toujours facile). »