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Loi Travail 2017 : 1ers questionnements

Je partage ici quelques éléments sur ce que cette loi pourrait changer : non pas un point de vue, mais plutôt une première analyse des conséquences sur les rapports sociaux et le vécu au travail. Je ne souhaite pas dire en quoi ces changements peuvent être positifs ou négatifs pour les individus et les collectifs, mais simplement mettre l’accent sur les changements qui risquent d’en découler, ceux-ci n’étant visibles que sur le moyen et long terme.

Les éléments des ordonnances sont extraits du dossier de presse publié par le ministère du travail consultable en ligne sur : http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2017/08/170831-dp_travail.pdf

La négociation au plus près du terrain

Un des piliers de la loi est de ramener la négociation collective au plus proche du terrain. Si ces accords de négociation collective se font réellement (car il peut aussi ne pas se passer grand-chose), ils seront négociés côté salarié par des personnes non rompues à la négociation.

=> Comment des salariés vont-ils se préparer à négocier par exemple sur le temps de travail ? Leur réflexion sera-t-elle guidée par des préférences individuelles, collectives ? Sur quels repères, en termes de santé et de conditions de travail , mais aussi de performance de l’entreprise s’appuieront-ils ?

Ces nouvelles dispositions posent ainsi de façon majeure la question de la formation des salariés sur tout un tas de sujets, qu’il s’agisse de connaissances générales ou de connaissance de l’entreprise, et ces questions-là aujourd’hui me semblent insuffisamment posées.

Ces nouvelles modalités de négociation vont également changer les rapports sociaux : des salariés qui hier pouvaient se reposer, voire se réfugier derrière leurs délégués syndicaux ou leurs représentants élus, vont demain « aller au front » … ou pas. Dans les deux cas, des changements dans les relations verticales entre salariés et employeurs vont apparaître, avec d’autres conséquences possibles qu’il sera intéressant d’évaluer.

Les changements dans les règles ayant trait au licenciement

C’est sans doute le point sur lequel la contestation s’est le plus cristallisée, et qui a été largement repris dans les médias.

Ce premier constat a son importance ! En effet que va-t-il se passer dans l’esprit d’une personne qui sera embauchée demain, et à qui on aura rebattu les oreilles de cette « facilité accrue de licenciement » ? En quoi cela va-t-il modifier la relation de confiance qu’il peut avoir vis-à-vis de son employeur ? Et inversement, est-ce que les signaux envoyés par un employeur vont être modifiés (se sentira-t-il obligé de rassurer …) ?

Il ne s’agit pas de dire ici que ces peurs sont fondées ou infondées, mais juste de souligner que les représentations, l’imaginaire collectif vont nécessairement évoluer, ainsi que les ressentis individuels et collectifs.

« Gagner en agilité »

Des sujets majeurs dans l’organisation du travail en entreprise vont être ouverts à la négociation en entreprise (négociation sur le temps de travail, la mobilité, les salaires) : outre les questions de formation posées en début d’article, ceci pose d’autres questions :

  • les différences entre les entreprises y compris d’un même secteur d’activité pourront être amplifiées. Selon que l’entreprise a « le goût » de la négociation (car cela ne se décrète pas), selon les capacités des acteurs à les entreprendre … Un salarié qui passera d’une entreprise à l’autre verrait ainsi ses repères sur l’organisation du travail changer.
  • cela pourra rendre plus visibles et structurés des modes de fonctionnement qui aujourd’hui peuvent être informels. Par exemple des heures supplémentaires effectuées aujourd’hui « au coup par coup et au cas par cas » vont-elles donner lieu à un accord sur le temps de travail ?

La fusion des Instances Représentatives du Personnel en un Comité Social et Economique

CE, CHSCT, DP seront réunis dans une instance unique, le Comité Social et Economique. C’est une mini révolution pour les hommes et les femmes qui y siègeront, et beaucoup de questions se posent sur le fonctionnement de ce comité, et la formation de ses membres.

En effet, aujourd’hui, les compétences nécessaires pour siéger au CE, sont différentes de celles des représentants au CHSCT, idem pour les DP … Demain comment cela va-t-il se passer ? Est-ce qu’il y aura toujours des élus spécialisés sur telle ou telle thématique ? Est-ce que tout le monde devra à peu près tout maîtriser ? Une connaissance exhaustive de tous les sujets paraît totalement impossible, car les sujets abordés sont vastes et techniques.

En outre, une évaluation sera intéressante à réaliser sur les améliorations induites par cette fusion, sur les conditions de travail et d’emploi des salariés ; aujourd’hui le seul gain que l’on peut aisément identifier est celui d’une meilleure visibilité, car le rôle et le fonctionnement des Instances Représentatives du Personnel (IRP) est opaque pour beaucoup de salariés.

Un droit au télétravail sécurisé et souple

Si le télétravail se développe effectivement avec cette loi, il sera nécessaire également pour les entreprises de se poser les bonnes questions par rapport à sa mise en place. Le télétravail induit des changements dans les pratiques managériales, dans les relations au sein des collectifs de travail, dans l’articulation vie privée / vie personnelle … Des questions qui aujourd’hui sont déjà à l’ordre du jour et qui devront continuer à être instruites.