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Comment parler du handicap en entreprise ?

Le maintien en emploi des personnes en situation de handicap

En cette semaine pour l’emploi des personnes handicapées, à Toulouse et partout en France, je propose d’aborder ce sujet en se posant la question suivante : comment parler de son handicap, ou de celui de son collègue, de son collaborateur, de son manager, en entreprise ?

Cette parole est en effet le premier pas pour assurer le maintien dans l’emploi.

Pourquoi il est important de parler du handicap

Si ce sujet est encore aussi difficile à traiter dans les entreprises, cela vient en partie de la difficulté à l’aborder de façon simple et partagée. Le handicap, la maladie, en particulier les Maladies Chroniques Evolutives (MCE) sont des sujets souvent tabous, et donc difficilement abordés dans la sphère du travail, voici quelques raisons que j’ai pu observer :

-          On considère, à juste titre, que cela relève de l’intime ;

-          On craint, en en parlant, de stigmatiser la personne au sein de son collectif, de la dévaloriser ;

-          On ne comprend pas réellement ses difficultés, voire pas du tout lorsqu’il s’agit d’un handicap mental ou psychique.

Aussi ce sujet est souvent relégué aux « spécialistes », qui peuvent être dans l’entreprise, mais en dehors de l’équipe de travail : service RH, mission handicap, service de santé au travail, service social.

Les spécialistes ont un rôle à jouer, mais il leur sera difficile de travailler seuls sur le sujet, c’est pourquoi il est important que les collègues, le manager, puisse parler de ce sujet, bien sûr selon un cadre respectueux de la personne concernée.

Pour parler du handicap … on ne parle pas du handicap

En premier lieu, il faut parler de personne en situation de handicap, et non de personne handicapée, il ne s’agit pas d’un langage policé, mais plutôt de rendre compte d’une réalité.

En effet selon l’ANACT [1], « un travailleur se trouve en situation de handicap lorsqu’il est placé face à un obstacle tel que l’activité devienne pour lui impossible ou fortement limitée, […]. Parler de situation de handicap revient à raisonner en termes de tâches à effectuer dans un cadre donné, au regard d’une déficience ». Par exemple « un paraplégique […] n’est pas placé en situation de handicap s’il peut accéder à son poste de travail en fauteuil, il le devient s’il doit monter trois marches ».

Ce que cela signifie, c’est que plutôt que de dire « Marc est sourd et appareillé il devient impossible de travailler en équipe avec lui », il faut dire : « Etant sourd et appareillé, Paul rencontre des difficultés dans certaines situations de travail : en réunion, et dans les conversations téléphoniques ».

On parle donc de situations de travail précises pour vérifier que le maintien dans l’emploi est possible

Assurer la performance et diminuer la pénibilité

Au travers de mes interventions, j’ai ainsi appris avec mes collègues ergonomes à parler de « situations invalidantes » ; notre intervention consistait à analyser le travail de la personne en situation de handicap, et d’identifier les situations de travail qui étaient source de pénibilité, les activités qui ne pouvaient plus être réalisées, et où la performance n’était pas au rendez-vous.

Cette recherche de situations précises est fondamentale, elle va permettre de vérifier si la personne peut rester dans son emploi dans de bonnes conditions, en préservant sa santé d’une part, et en répondant aux attendus de l’entreprise d’autre part. C’est tout l’enjeu du maintien dans l’emploi.

Exemple de situation de handicap

Pour Marc, on va s’apercevoir que dans le cas de petites réunions à 3 ou 4, ou chacun prend le temps de s’écouter sans s’interrompre (quelque chose de bien utile pour tout le monde !), dans une salle sans nuisance sonore particulière (photocopieuse, bruits extérieurs …), il n’aura aucune difficulté à participer. Le fait de ne pas pouvoir assister aux 2 ou 3 grandes réunions annuelles ne sera pas un problème, dès lors que ses collègues ou un manager pourront prendre un peu de temps pour lui faire un retour sur ces réunions. Le nombre de situations invalidantes diminue ainsi.

Mettre en place des espaces permettant de parler du travail et de ses conditions de réalisations

Rôle du manager et du collectif de travail

Pour que les personnes en situation de handicap aient plus de facilité à aborder les difficultés qu’elles rencontrent dans le cadre de leur travail, il faut que des lieux, des temps, existent pour que chacun puisse parler de son activité, de ce qui fonctionne bien, de ce qui est plus difficile, etc.

Ces temps malheureusement manquent aujourd’hui dans les entreprises : beaucoup de réunions deviennent des moments de reporting, ou d’informations descendantes, les problèmes concrets que chacun rencontre sont relégués au second plan ; on compte sur le traitement individuel que chacun pourrait en faire, et/ ou sur l’entraide entre collègues, quand elle existe.

La Qualité de Vie au Travail pour soutenir le maintien en emploi

L’approche « Qualité de Vie au Travail » (QVT) prône la mise en place de tels espaces, appelés « Espaces de Discussions sur le Travail » (EDT).

Bien sûr ce n’est pas parce que de tels espaces existent que la parole autour du handicap va se libérer, mais c’est ensuite à celui qui anime cet espace, le manager de proximité par exemple, de mettre en place les conditions pour que ce sujet puisse être abordé, au même titre que les difficultés rencontrées par les collègues « valides ».

Par exemple, dans le cas d’un handicap mental, avec une personne qui ne serait plus en capacité d’exécuter certaines tâches devenues trop complexes, ce sera au manager de redistribuer l’activité, en allégeant les collègues de tâches simples à confier à la personne en situation de handicap, pour leur confier les tâches devenues trop complexes ; il aura donc plus de facilité à le faire, si de tels espaces existent.

Bibliographie

Les situations de handicap - le maintien dans l'emploi (2004). Sous la direction de Evelyne Escriva. Editions réseau ANAT